« Parler pour ne rien dire » : démarche interprétative appliquée au cinéma d’amateurs sur film argentique

En 1965, Kodak lance le format de film cinématographique Super 8 pour le cinéma amateur. Le film en Super 8 est muet. Mais le silence de restitution n’implique pas un silence de la captation : les membres de la famille parlent entre eux, interagissent avec le cinéaste-vidéaste. Depuis les années...

Full description

Bibliographic Details
Main Authors: Lénaïk Leyoudec, Marion Genaivre
Format: Article
Language:Spanish
Published: Osservatorio Processi Comunicativi 2020-05-01
Series:M@GM@
Subjects:
Online Access:http://www.analisiqualitativa.com/magma/1801/articolo_06.htm
Description
Summary:En 1965, Kodak lance le format de film cinématographique Super 8 pour le cinéma amateur. Le film en Super 8 est muet. Mais le silence de restitution n’implique pas un silence de la captation : les membres de la famille parlent entre eux, interagissent avec le cinéaste-vidéaste. Depuis les années 1990, plusieurs institutions patrimoniales préservent des productions familiales. Ces dernières basculent de la sphère privée à la sphère publique. Notre étude vise à interroger les productions familiales au prisme d’une thématique : le silence. L’historien étudiant les productions familiales des fonds patrimoniaux se heurte à un enjeu : si le fossé d’obsolescence du support est géré par la numérisation, le fossé d’intelligibilité (Bachimont, 2010) du film demeure. Quand les témoins ne sont plus là pour faire parler, le paratexte du film suffit-il ? Dans le cadre mémoriel, l’absence de la parole n’empêche pas le spectateur de se connecter à la communauté familiale. Or pour l’historien, chaque détail d’un corpus compte pour faire sens. La démarche interprétative est-elle ainsi empêchée par cette contrainte technique associée aux films ? En d’autres termes, le silence des productions familiales empêche-t-elle l’écriture de l’Histoire ? Face à ce problème, l’hypothèse que nous formulons est : l’absence du son dans les productions familiales Super 8 prive tant l’être humain que la machine d’un axe interprétatif majeur de l’objet étudié. Notre terrain est composé d’un corpus de productions familiales filmées issu de deux fonds patrimoniaux et une plateforme d’intelligence artificielle destinée à l’indexation automatique de ressources multimédia. Le cadre général de notre étude sur l’interprétation des productions familiales s’appuie sur la théorie des espaces de communication (Odin, 2011), notre approche interprétative de l’objet film puise sa source dans les travaux sémiotiques et rhétoriques (Joly, 1993 ; Odin, 1979) tandis que l’interprétation de la plateforme mobilise la sémiotique des écrits d’écran (Jeanneret, 2014). L’interprétation du corpus a fait émerger plusieurs marqueurs de sens, rassemblés ensuite en catégories, dont les plus récurrentes : lieu, personne, objet. Parallèlement, le corpus a été interprété par une plateforme d’intelligence artificielle. L’expérimentation a eu lieu en plusieurs itérations, consistant à préciser la configuration de la plateforme afin d’observer l’évolution des résultats. Même « entraînée », la plateforme peine à parvenir au même niveau de pertinence d’indexation qu’un humain, historien ou non. Face au silence des productions familiales, la machine est démunie, à la fois du point de vue technique et culturel. Pourtant, de manière invisible, elle garantit au quotidien l’intégrité des productions familiales, comblant octet défaillant après octet défaillant. Dans la préservation du patrimoine, humain et machine seraient-ils, en fin de compte, complémentaires ?
ISSN:1721-9809