Politique et esthétique dans L’enfance d’un chef de Sartre

En 1964, Deleuze évoque Sartre comme un de « nos maîtres », un de « ceux qui savent inventer une technique artistique et littéraire et trouver les façons de penser correspondant à notre modernité, c'est-à-dire à nos difficultés comme à nos enthousiasmes diffus. » (Arts) Sartre est sans cesse au...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Aliocha Wald Lasowski
Format: Article
Language:English
Published: Radboud University Press in cooperation with Open Journals 2007-06-01
Series:Relief: Revue Électronique de Littérature Francaise
Subjects:
Online Access:http://www.revue-relief.org/articles/10.18352/relief.35/
_version_ 1818689912728190976
author Aliocha Wald Lasowski
author_facet Aliocha Wald Lasowski
author_sort Aliocha Wald Lasowski
collection DOAJ
description En 1964, Deleuze évoque Sartre comme un de « nos maîtres », un de « ceux qui savent inventer une technique artistique et littéraire et trouver les façons de penser correspondant à notre modernité, c'est-à-dire à nos difficultés comme à nos enthousiasmes diffus. » (Arts) Sartre est sans cesse aux points de passage de la modernité politique et esthétique. L'enfance d'un chef, la dernière et la plus longue des cinq nouvelles qui composent le recueil intitulé Le mur, paru en janvier 1939, participe de cette actualité. Véritable petit roman dans l'oeuvre à construire du philosophe écrivain, cette parodie cruelle du roman d'apprentissage saisit, par des exemples fictionnels et existentiels, l'analyse conceptuelle des essences. Dans ce récit, contemporain de La Nausée par sa chronologie et par les thèmes qu'il aborde, brille une écriture violente et individualiste, faite de cassures et d'abandons : L'enfance d'un chef s'insère dans un mouvement spéculatif, conteste l'ordre de la représentation anthropologique ou politique. A partir de Lucien Fleurier et du vide brumeux de son existence, Sartre dessine une subjectivité ouverte, une figure inhumaine de l'anti-héros : le « salaud », le « chef » et l’« antisémite ». Par une description phénoménologique rigoureuse, le philosophe précise le réseau de métaphores et d'images qui parcourt L'enfance d'un chef et constitue une poétique du bleu, entre Walter Benjamin – « Rêver de la fleur bleue, ce n'est plus de saison » (Neue Rundschau, n°38, janvier 1927) - et Roland Barthes – « Le bleu est à la mode cette année » (Revue française de sociologie, n°2, avril 1960) -. Le malconfort du personnage principal ne peut pas se concevoir en termes de noir et de blanc, d'ombre et de lumière : sa difficulté d'être se décline plutôt en gris bleu et en teinte violette, sur le mode de l'inauthenticité, rappelant les obsessions sartriennes du non-être et de la viscosité. Sans effacer l'aspect novateur et la puissance du dépaysement de L'enfance d'un chef, il s'agit de montrer que cette nouvelle ne se réduit pas à une intention théorique, mais constitue un projet en soi qui fait « naître une philosophie sous nos yeux. » (Michel Tournier, Le Vent paraclet, 1977, p. 155)
first_indexed 2024-12-17T12:17:39Z
format Article
id doaj.art-27d181d6fff84e5f9a0fc79e92eb7f4a
institution Directory Open Access Journal
issn 1873-5045
language English
last_indexed 2024-12-17T12:17:39Z
publishDate 2007-06-01
publisher Radboud University Press in cooperation with Open Journals
record_format Article
series Relief: Revue Électronique de Littérature Francaise
spelling doaj.art-27d181d6fff84e5f9a0fc79e92eb7f4a2022-12-21T21:49:07ZengRadboud University Press in cooperation with Open JournalsRelief: Revue Électronique de Littérature Francaise1873-50452007-06-0111284910.18352/relief.3516Politique et esthétique dans L’enfance d’un chef de SartreAliocha Wald LasowskiEn 1964, Deleuze évoque Sartre comme un de « nos maîtres », un de « ceux qui savent inventer une technique artistique et littéraire et trouver les façons de penser correspondant à notre modernité, c'est-à-dire à nos difficultés comme à nos enthousiasmes diffus. » (Arts) Sartre est sans cesse aux points de passage de la modernité politique et esthétique. L'enfance d'un chef, la dernière et la plus longue des cinq nouvelles qui composent le recueil intitulé Le mur, paru en janvier 1939, participe de cette actualité. Véritable petit roman dans l'oeuvre à construire du philosophe écrivain, cette parodie cruelle du roman d'apprentissage saisit, par des exemples fictionnels et existentiels, l'analyse conceptuelle des essences. Dans ce récit, contemporain de La Nausée par sa chronologie et par les thèmes qu'il aborde, brille une écriture violente et individualiste, faite de cassures et d'abandons : L'enfance d'un chef s'insère dans un mouvement spéculatif, conteste l'ordre de la représentation anthropologique ou politique. A partir de Lucien Fleurier et du vide brumeux de son existence, Sartre dessine une subjectivité ouverte, une figure inhumaine de l'anti-héros : le « salaud », le « chef » et l’« antisémite ». Par une description phénoménologique rigoureuse, le philosophe précise le réseau de métaphores et d'images qui parcourt L'enfance d'un chef et constitue une poétique du bleu, entre Walter Benjamin – « Rêver de la fleur bleue, ce n'est plus de saison » (Neue Rundschau, n°38, janvier 1927) - et Roland Barthes – « Le bleu est à la mode cette année » (Revue française de sociologie, n°2, avril 1960) -. Le malconfort du personnage principal ne peut pas se concevoir en termes de noir et de blanc, d'ombre et de lumière : sa difficulté d'être se décline plutôt en gris bleu et en teinte violette, sur le mode de l'inauthenticité, rappelant les obsessions sartriennes du non-être et de la viscosité. Sans effacer l'aspect novateur et la puissance du dépaysement de L'enfance d'un chef, il s'agit de montrer que cette nouvelle ne se réduit pas à une intention théorique, mais constitue un projet en soi qui fait « naître une philosophie sous nos yeux. » (Michel Tournier, Le Vent paraclet, 1977, p. 155)http://www.revue-relief.org/articles/10.18352/relief.35/Sartre, Kean, Les Mots, La Nausée, Carnets de la drôle de guerre, Le Mur, L'Enfance d'un Chef, La Chambre, L'Etre et le Néant, existentialisme, D.J. van Lennep, multiculturel, Réflexions sur la question juive
spellingShingle Aliocha Wald Lasowski
Politique et esthétique dans L’enfance d’un chef de Sartre
Relief: Revue Électronique de Littérature Francaise
Sartre, Kean, Les Mots, La Nausée, Carnets de la drôle de guerre, Le Mur, L'Enfance d'un Chef, La Chambre, L'Etre et le Néant, existentialisme, D.J. van Lennep, multiculturel, Réflexions sur la question juive
title Politique et esthétique dans L’enfance d’un chef de Sartre
title_full Politique et esthétique dans L’enfance d’un chef de Sartre
title_fullStr Politique et esthétique dans L’enfance d’un chef de Sartre
title_full_unstemmed Politique et esthétique dans L’enfance d’un chef de Sartre
title_short Politique et esthétique dans L’enfance d’un chef de Sartre
title_sort politique et esthetique dans l enfance d un chef de sartre
topic Sartre, Kean, Les Mots, La Nausée, Carnets de la drôle de guerre, Le Mur, L'Enfance d'un Chef, La Chambre, L'Etre et le Néant, existentialisme, D.J. van Lennep, multiculturel, Réflexions sur la question juive
url http://www.revue-relief.org/articles/10.18352/relief.35/
work_keys_str_mv AT aliochawaldlasowski politiqueetesthetiquedanslenfancedunchefdesartre