Summary: | Les usages de la prothèse en danse contemporaine oscillent entre support et contrainte, affirmation et précarité, visibilité et inclusion. Cet article se focalise sur trois études de cas paradoxaux et marquants : – l’œuvre de Marie Chouinard, surtout Body Remix/Goldberg Variationen (2006), où des corps virtuoses, issus d’une discipline classique qu’ils défont en la poussant à la limite, deviennent des cyborgs, donnant à ressentir des corporéités à la fois dynamisées et empêchées par leurs chaussons, corsets, fauteuils, portants, cannes, etc. La comparaison avec des Pièces distinguées (1997) de La Ribot, post-modernes et critiques, est également suggestive.– les performances singulières d’Annie Hanauer (passée par la Candoco Dance Company), danseuse dont l’avant-bras gauche est remplacé par une prothèse, dans Tordre de Rachid Ouramdane, et de Viktoria Modesta, Bionic Pop Artist amputée d’une jambe, invitée au cabaret Crazy Horse en 2019.– dans une perspective plus sociétale, voire éco-logique (au sens guattarien), des amateur·trice·s vivant avec un handicap physique ou moteur, entre « animaux fragiles » et « rebelles », en danse contemporaine (à visée spectaculaire, par exemple avec Jérôme Bel, ou non) et dans diverses pratiques somatiques, voire dans des actions directement politiques et revendicatives.On s’intéresse ici surtout au rapport performé de la prothèse et du corps dansant comme « sans organes » (Artaud), espace de circulation et de porosité, vecteur d’une relation dynamique (empathie, empowerment) avec un public, un espace extérieur et une société, en termes sensoriels, esthétiques, éthiques, micro- et macro-politiques.
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