Summary: | La théorie de Kripke est aujourd’hui largement intégrée à l’analyse linguistique, aussi bien dans les
monographies concernant spécifiquement le nom propre que dans les dictionnaires de sciences du
langage, les grammaires ou les manuels. Le terme de désignateur rigide, que l’on doit au philosophe,
apparaît en effet comme le meilleur moyen de qualifier les noms propres, qui semblent s’opposer
fondamentalement aux noms communs par trois aspects : la référence unique, l’absence de sens et la
stabilité de la référence. Notre propos ne sera pas de revenir sur cette notion déjà abondamment
commentée, mais de montrer, dans un premier temps, comment la théorie de Kripke, en insistant sur le
rôle de l’acte de nomination et des chaînes de communication dans l’institution et la transmission des
noms propres, met l’énonciation au cœur du processus d’interprétation des noms propres. En combinant
et en adaptant la théorie kripkéenne à la théorie du sens dénominatif du nom propre développée par
Kleiber, nous montrerons dans un second temps comment cette conception pragmatique du
fonctionnement des noms propres se laisse formaliser en termes proprement linguistiques. L’intention des
interlocuteurs et les connaissances qu’ils gardent en mémoire occupent une place importante dans la
théorie philosophique de Kripke ; alors que ces deux paramètres de l’intention et de la mémoire semblent
à première vue irréductibles à des paramètres strictement linguistiques, nous montrerons enfin comment il
est possible de les intégrer à la description linguistique du nom propre en adoptant une approche
dialogique de ce type d’unités.
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