Summary: | Étant donné sa situation géographique, entre l’Europe et le monde arable, la Castille a joué un rôle particulièrement important, au Moyen Âge, dans le cadre des activités de traduction - notamment avec la célèbre École de Tolède ou les ateliers d’Alphonse X. Cette étude est centrée sur l’une de ces traductions, réalisée sous le règne de Ferdinand III, qui a représenté un point de départ dans le passage des textes officiels du latin au romance. Il s’agit du Fuero Juzgo, un ensemble de lois octroyé, pour la première fois, par Ferdinand III en 1241 à la ville de Cordoue et présenté comme la simple traduction du Liber Judiciorum, élaboré cinq siècles plus tôt dans les Conciles wisigothiques. Nous n’aborderons pas ici cette traduction d’un point de vue linguistique, mais historique et politique. Par le biais d’une comparaison détaillée des prologues des deux textes - qui constituent de véritables traités politiques portant sur le rôle du roi et ses relations avec l’Eglise - nous tenterons de démontrer comment le texte a pu être adapté, au travers de changements minimes mais nombreux et systématiques. Nous essaierons également de montrer pourquoi, dans un contexte de réunion entre Castille et León et également de grande extension du territoire, due à la Reconquête, cette réélaboration subtile du contenu peut être imputée à une manipulation à des fins politiques. Une manipulation, qui plus est, dotée d’une orientation très claire, c’est-à-dire en faveur du roi et au détriment de l’Église - un phénomène qui pourrait constituer les prémices de ce que l’on a coutume d’appeler la genèse de l’État moderne.
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