Désir, besoin, dépendance : l'addiction comme (é)preuve de la modernité

La frontière entre la santé et la pathologie est un lieu fascinant et dangereux, au caractère poreux et riche de familiarités des deux côtés, inavouées et coûteuses. Le terme d’addiction semble s’installer précisément sur cette frontière, gagnant en étendue médiatique ce qu’il perd en précision noso...

Full description

Bibliographic Details
Main Author: Rita Di Lorenzo
Format: Article
Language:Spanish
Published: Osservatorio Processi Comunicativi 2016-04-01
Series:M@GM@
Subjects:
Online Access:http://www.magma.analisiqualitativa.com/1401/article_06.htm
Description
Summary:La frontière entre la santé et la pathologie est un lieu fascinant et dangereux, au caractère poreux et riche de familiarités des deux côtés, inavouées et coûteuses. Le terme d’addiction semble s’installer précisément sur cette frontière, gagnant en étendue médiatique ce qu’il perd en précision nosographique ; ainsi, aujourd’hui, nous serions « tous addicts » – au sucre, au téléphone portable, au chocolat, au café, aux soldes, à la chirurgie esthétique, à Facebook, à l’amour, cette liste pouvant être continuée par chacun d’entre nous puisque nous avons tous fait, nous faisons et ferons tous, l’expérience de la force des (mauvaises) habitudes, du désir, voire de la pulsion, de l’abus et de la dépendance. Notre société contemporaine semble stimuler cette expérience, en multipliant tant les objets addictogènes que les comportements addictifs : d’une part par le statut attribué aux biens sériels, d’autre part par la dimension pulsionnelle revendiquée dans les habitudes de consommation. Société du plaisir, peut-être plus hédoniste qu’épicurienne, l’époque contemporaine impose le plaisir et son désir comme nouvelle norme. Dès lors, quel est notre rapport à la pulsion, au désir compulsif, au dépassement des limites imposées aux besoins et aux envies socialement acceptables ? Comment notre société régule le désir ? Comment la politique et les médias concourent-ils à le structurer, voire à le prescrire ? Quels mécanismes à l’œuvre dans l’addiction contredisent cette prescription, et surtout : s’agit-il véritablement d’une contradiction ? Notre culture de performance et satisfaction rapides peut effectivement expliquer certaines dépendances induites par leur objet ; néanmoins, la véritable addiction mentale se nourrit d’éléments plus profondément constitutifs de l’identité de l’homme moderne et contemporain : avant tout, la fragilité des acquis, la proximité du vide, le décollement du besoin et du désir, la contrainte de l’indépendance esquissent un abîme, dont seuls les mots, le récit, pourra peut-être nous sauver.
ISSN:1721-9809