Summary: | En faisant de l’expérience de la marche solitaire un détour permettant d’éclairer les racines sensibles et la dimension corporelle du vivre-ensemble que la culture moderne refoule et rend inopérantes, l’enjeu de notre propos est le suivant: caractériser la manière dont l’expérience sensible participe à la formation de «collectifs». Les marcheurs solitaires, par leur désir de fuite (récréation sociale), recomposent dans l’environnement de la marche tout un tissu de relations aux «êtres» et aux «choses» qu’ils croisent et avec lesquels ils se sentent liés (re-création sociale). C’est à l’examen de ce lien, entre fantasme et réalité, que nous nous livrerons: au-delà de la récréation sociale ce serait bien la joie du corps, d’une part celle de se redécouvrir un corps plein de vitalité à partir duquel sentir pleinement le monde, et de l’autre celle de se vivre comme «articulé» à une multitude d’«autres», qui constituerait le fondement de l’expérience solitaire de la marche. Les marcheurs se vivent comme de simples composantes d’un ensemble plus vaste au sein duquel aucune discrimination véritable n’est établie entre humains et non-humains. Pour qu’il y ait société, il faut qu’il y ait du (des) corps, il faut également des passions, de l’affect. A tenir compte d’une assemblée élargie de tels «corps» (humains, vivants, matériels, naturels…), se forment sous les yeux du marcheurs et du sociologue, avec évidence, de nouveaux collectifs «hybrides» où le naturel et le culturel s’indéterminent l’un l’autre pour se fondre et se rendre tolérant l’un à l’autre.
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