Summary: | <p>Au vu de l’intérêt croissant que la critique porte aux objets dans la littérature , on peut s’étonner qu’il n’y ait pas plus d’études consacrées au Neveu de Rameau. Peut-être est-ce parce que la plupart des objets mentionnés dans ce roman-dialogue sont, comme le décor du Café de la Régence analysé par Joanna Stalnaker , «curieusement abstrait[s]»; c’est- à-dire qu’ils sont présents non pas dans l’espace fictif du texte, mais, à un degré de fiction supplémentaire, au sein des pantomimes du Neveu: «il place un oreiller ou un tabouret sous des pieds; il tient une soucoupe, il approche une chaise, il ouvre une porte; il ferme une fenêtre; il tire des rideaux» . C’est le cas notamment pour la série d’objets dont il sera question ici, dont l’intérêt, nous le démontrerons, ne réside pas tant dans le fait qu’ils n’existent que dans le pantomime du Neveu, que dans le fait que, dans la pantomime en question, le Neveu lui-même se transforme en Bertin qu’il transforme en objets, en une série d’objets. Élément significatif donc dans la mise en scène des relations maître-serviteur et sujet-objet.</p> <br/> <p>Un des objets de cette série est une «pagode». Le choix de faire ainsi référence à cet objet d’art dans le goût «chinois», connu aussi sous le nom de «magot», qui participe de l’esthétique que l’on nomme aujourd’hui «rococo», nous semble digne d’attention car il occupe une place importante dans les écrits de Diderot sur le luxe. Ces écrits, peu étudiés par la critique littéraire, à quelques exceptions près , proposent une analyse des conditions économiques et socio-politiques permettant la production et la consommation de l’art, et de la valeur esthétique et morale de l’art produit et acheté dans ces conditions. Analyse à la lumière de laquelle Le neveu de rameau se lit, selon nous, avec profit. Nous proposons donc ici d’y voir le roman de ce que Diderot appelle une « espèce de luxe » , dont la pagode — le magot — est l’emblème.</p>
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